Sahara. Et maintenant ?
Aprèsque le Maroc a présenté sa proposition d’autonomie pour le Sahara, le Polisario n’a pas tardé à répliquer, soumettant son propre “plan de paix”. La partie ne fait que commencer.Le conflit du Sahara ressemble à ces fameux feuilletons mexicains,
interminables et aux rebondissements tellement prévisibles.
Récapitulons. Après des mois de suspense, le Maroc lève enfin le voile
sur sa proposition d’autonomie pour la région du Sahara. “Une
proposition forte, audacieuse et constructive”, de l’avis de plusieurs
observateurs marocains et étrangers. Mais, coup de théâtre
Le conflit du Sahara ressemble à ces fameux feuilletons mexicains, interminables et aux rebondissements tellement prévisibles. Récapitulons. Après des mois de suspense, le Maroc lève enfin le voile sur sa proposition d’autonomie pour la région du Sahara. “Une proposition forte, audacieuse et constructive”, de l’avis de plusieurs observateurs marocains et étrangers. Mais, coup de théâtre
“téléphoné”, l’Algérie et le Polisario répliquent par leur propre “plan de paix”, largement diffusé sur les sites Internet du front sahraoui. Une contre-proposition goupillée dans l’urgence, mais qui étonne par la force des concessions qui y sont faites. Le Polisario propose, par exemple, d’accorder la nationalité sahraouie aux ressortissants marocains résidant au Sahara et s’engage à protéger leurs intérêts dans la région. Plus loin, le Front se dit même prêt à négocier “un partage des richesses naturelles sahraouies” avec le Maroc et promet, en filigrane, “d’autoriser l’installation d’une base militaire chérifienne dans un Sahara indépendant”. Autant dire que les deux parties n’ont pas trop laissé le choix à Ban Ki Moon, le nouveau secrétaire général des Nations Unies, obligé, en vertu des us diplomatiques, de tenir compte des deux propositions. Résultat : un rapport mitigé, appelant comme d’habitude à “l’ouverture de négociations directes entre les différentes parties du conflit”. Retour à la case départ ? “Non, proteste ce militant associatif à Laâyoune, c’est quand même la première fois, depuis longtemps, que le Maroc et le Polisario annoncent officiellement leur prédisposition à ouvrir des négociations directes. Mais il est vrai que le Maroc attendait tellement de son initiative d’autonomie que la tournure des événements en a déçu plus d’un”.
“Prénégociations”
Quoique prévisibles, la réaction du Polisario et le rapport “équilibré” de Ban Ki Moon ont jeté un froid dans les milieux officiels marocains. “Si le Polisario n’avait pas déposé de plan à l’ONU, le Maroc aurait réussi un coup historique. Mais l’Algérie et le Polisario ne pouvaient quand même pas rester les bras croisés et passer pour ceux qui encouragent le maintien du statu quo. Ce sont les règles du jeu, mais la partie ne fait que commencer”, analyse un stratège sahraoui. Théoriquement, le rapport du secrétaire général de l’ONU devra encore être validé par le Conseil de sécurité. La démarche est, certes, protocolaire, mais elle risque de réserver de bonnes surprises pour la partie marocaine, explique un spécialiste de la question du Sahara. Il poursuit : “Les pays qui siègent au Conseil de sécurité ont tous été consultés avant la rédaction de la mouture finale de la proposition d’autonomie. Les réactions française et américaine ont été positives, celle du Parti socialiste espagnol a sérieusement énervé les militants pro-Polisario, alors que la réaction britannique a été plus objective. Cela me pousse à croire que dans ses recommandations, le Conseil penchera légèrement du côté marocain. Au niveau diplomatique international, cela a son importance”.
Certes, mais l’enjeu est ailleurs. Le Maroc et le Polisario sont-ils réellement prêts à se mettre autour de la table des négociations ? “C’est très probable. Les deux parties se sont officieusement rencontrées avant le dépôt de la proposition marocaine et les Sahraouis du Polisario ont également pu donner leur avis. Théoriquement donc, rien ne les empêche de se retrouver à nouveau”. En effet, quelques semaines avant l’annonce de l’offre marocaine, des réunions secrètes de haut niveau ont eu lieu au Sénégal, en Mauritanie et en Espagne. Elles ont réuni quelques acteurs associatifs et politiques marocains avec des leaders sahraouis, dont certains fondateurs de Khat Achahid (organisation en rupture de ban avec la direction du Polisario). Pour autant, nuance un responsable associatif qui a pris part à ces rencontres, “ce n’est pas Khat Achahid qui fédère les populations de Tindouf, mais la misère qu’elles vivent au quotidien. En plus, les concessions faites par le Front dans le cadre de son plan de paix ont été perçues comme une trahison par les indépendantistes vivant au Maroc. Tout cela crée des turbulences au sein du Polisario, qui peuvent être profitables au Maroc. D’autant que le plan marocain se veut une proposition ouverte aux négociations”.
Hésitations officielles
Mais ce n’est pas gagné d’avance. Dans leurs différentes déclarations, les officiels marocains ne précisent pas avec qui ils sont prédisposés à négocier. Le Polisario, pensez-vous ? Pas forcément. Des sources bien informées confient qu’au sein de l’appareil de l’Etat, “certains conservateurs, dont plusieurs hauts gradés, ne conçoivent pas que l’Etat marocain négocie avec un petit front de libération. Ceux-là ne voient pas de négociation sans la présence de l’Algérie”. Selon plusieurs observateurs, “il y a comme une hésitation au sein de l’establishment, pas encore décidé à se débarrasser de ses anciens réflexes”. La preuve ? Cette visite manquée en Afrique du Sud, par exemple. Après plusieurs mois d’intenses négociations, des lobbyistes marocains décrochent une date à Johannesburg pour la “dream team” en charge de la promotion du plan d’autonomie. Panique générale dans certains états-majors qui s’opposent fermement à ce déplacement. Idem pour certaines figures de proue de l’opposition sahraouie, qui attendent toujours qu’un collaborateur du roi les reçoive, en “off” bien évidemment. Car dans l’esprit des Sahraouis de Tindouf, les négociations ne peuvent être menées qu’avec le proche entourage de Mohammed VI. “Certains Sahraouis, même dans l’actuelle direction, attendent avec impatience le début des négociations. Ils demandent surtout si, cette fois-ci, le Maroc est sincère dans sa démarche”, confie un membre du Corcas, proche des milieux officiels à Tindouf. En tout cas, estime un autre membre du Conseil, “il existe aujourd’hui plusieurs intermédiaires prêts à faciliter le démarrage de rencontres secrètes ou officielles. Des pays, comme la Norvège, sont prêts à parrainer ce genre de négociations. Même en Algérie, il y a de plus en plus de voix qu’on gagnerait à connaître davantage”. Jusqu’à présent, la seule initiative visible des autorités marocaines reste la dernière valse de gouverneurs et de walis au sein du ministère de l’Intérieur, avec l’arrivée de plusieurs cadres sahraouis dans la cellule Sahara au sein du département de Benmoussa. Et parmi eux, Mohamed Ali El Admi (plus connu sous le surnom de Omar Hadrami), ancien wali de Settat et ex-dirigeant du front Polisario. Malgré une réputation peu flatteuse en matière de respect des droits humains, l’homme garderait, selon certaines sources, de bons contacts à Tindouf. Des négociations seraient-elles en préparation ?